Hydroxychloroquine et Covid-19 : un essai randomisé chinois négatif

Par Dr Philippe Tellier

Quelques travaux menés en Chine, portant sur cent patients, jugés encourageants mais in fine peu convaincants ont été le point de départ d’un emballement médiatique planétaire autour de l’hydroxychloroquine (HCQ). A ces essais, s’est ajoutée une étude ouverte marseillaise portant sur 24 patients : ses auteurs ont conclu à l’efficacité de l’HCQ au point de juger opportun de débuter ce traitement chez les patients testés positifs et de déclencher ainsi des mouvements de foule peu souhaitables voire choquants à l’entrée de leur institut…

Un essai randomisé qui a fait peu de bruit

Face à la confusion actuelle, il convient de rapporter les résultats d’un essai randomisé pilote mené en Chine et publié en ligne le 6 mars 2020 dans la revue J Zhejiang Univ (Med Sci). L’article est demeuré jusqu’à ce jour inaperçu.

Ont été inclus dans cette étude approuvée par le comité d’éthique de Shanghai (enregistrée en ligne sous le code NCT04261517), 30 patients atteints d’un Covid-19 confirmé par PCR et jugé suffisamment sévère pour justifier une hospitalisation dans une unité de soins normale. Deux groupes ont été constitués par tirage au sort. Dans le groupe traité, en plus de la prise en charge thérapeutique standard a été instauré un traitement par l’HCQ à raison de 400 mg/jour pendant 5 jours. Dans le groupe témoin, seul le traitement standard a été mis en œuvre : repos au lit, oxygénothérapie, médicaments antiviraux recommandés dans le « protocole de traitement » tels que la nébulisation d’interféron alpha, le lopinavir/ritonavir oral ou encore antibiotiques si nécessaire.

Le critère de jugement primaire était strictement biologique, en l’occurrence la disparition du mARN viral dans les écouvillonnages nasopharyngés effectués au 7ème jour après le tirage au sort.

Les deux groupes étaient comparables à l’état basal sur tous les plans : démographique, clinique, biologique et tomodensitométrique.

Résultats identiques dans les 2 groupes

Dans le groupe HCQ, un patient a développé une forme grave de la maladie en cours de traitement au point d’être hospitalisé en réanimation. Au 7ème jour, l’ARN viral avait totalement disparu chez 13 patients du groupe HCQ (86,7 %), versus 14 patients du groupe témoin (93,3 %) (p > 0,05). Le délai médian avant la négativation des prélèvements a été identique dans les 2 groupes, soit 4 jours (1-9) (HCQ) versus 2 jours (1-4) (témoins) (test U de Whitman, p > 0,05).

La disparition de la fièvre s’est faite dans les mêmes délais dans les 2 groupes, soit une journée, avec des extrêmes de respectivement (0-2) et (0-3). Sur le plan radiologique, les lésions pulmonaires évaluées par tomodensitométrie se sont aggravées dans un premier temps chez 5 patients du groupe HCQ (33,3 %) et 7 patients de l’autre groupe (46,7 %). Par la suite, elles se sont améliorées chez tous les participants, sans différence intergroupe significative. Une diarrhée, associée ou non à des perturbations du bilan hépatique, a été constatée chez 4 malades du groupe traité (26,7 %), versus 3 cas dans l’autre groupe (p > 0,05).

D’autres études contrôlées sont attendues

Cet essai randomisé n’a inclus que des formes du Covid-19 suffisamment sévères pour justifier une hospitalisation, cependant sans signes de gravité. L’évolution a été rapidement favorable chez tous les participants, à l’exception d’un (sous traitement testé) qui a été hospitalisé en unité de soins intensifs.

Il est évident que ces résultats ne sauraient mettre un terme à la bataille médiatique déclenchée par l’HCQ. D’autres études contrôlées menés sur une plus grande échelle (testant éventuellement d’autres posologies dans des formes sévères du Covid-19, encore que la dose de 400 mg/jour soit jugée thérapeutique dans les autres études publiées) sont nécessaires pour conclure, mais il faut souligner qu’elles sont en cours et que leurs résultats seront rapidement accessibles.

En attendant, cet essai randomisé qui répond aux critères scientifiques actuels et qui a fait peu de bruit peut être mis en parallèle avec l’étude ouverte du Pr Raoult qui, pour sa part, a été retentissante. Il est vrai que les études négatives font rarement la une des médias, à la différence des études positives où la méthodologie fantaisiste (soulignée par la communauté scientifique) est volontiers négligée par le grand public qui ne retient que les signaux forts.

La suite de l’histoire appartient aux études contrôlées multicentriques en cours, mais d’ores et déjà, il est licite de s’interroger sur l’opportunité et l’efficacité d’un traitement par l’HCQ chez les patients testés positifs ou atteints d’une forme peu sévère du Covid-19, compte tenu des résultats négatifs de cette étude qui, pour être pilote, n’en est pas moins randomisée.

RÉFÉRENCE

CHEN Jun et coll. : A pilot study of hydroxychloroquine in treatment of patients with common coronavirus disease-19 (COVID-19).J Zhejiang Univ (Med Sci) 2020: publication avancée en ligne le 6 mars.

 

JIM

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mars 27, 2020

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