Les infirmiers veulent plus de reconnaissance
Eux aussi font des kilomètres en voiture chaque semaine. Au Havre, en Normandie, où nous sommes allés le suivre sur sa tournée, François Casadéi, bien qu’étant installé en zone urbaine, parcourt près de 20.000 kilomètres chaque année pour rendre visite à ses patients. À 60 ans, dont 35 en tant qu’infirmier libéral, il travaille encore plus de 12 heures par jour. En plus des permanences au cabinet, il enchaîne, à bord de sa voiture, tournée du matin de 6 heures à 13 heures, tournée du soir de 16 heures à 20h30, les week-ends et les nuits en cas de besoin.
La tournée débute à 6 heures et c’est parti pour une trentaine de visites
Son premier patient, André, 80 ans, est diabétique, amputé d’une jambe. Il vit seul, assez isolé, sans enfant ni conjoint. François vient tôt pour le lever, mesurer sa glycémie, lui faire sa piqûre d’insuline et préparer son petit déjeuner.
On est ici au sud du Havre, prés des docks, dans un quartier populaire où les médecins se font de plus en plus rares. François doit donc jongler avec d’autres médecins qu’il connait.
Dans le quartier, il y avait encore sept médecins en 2016, aujourd’hui, il n’y en a plus. Je dois donc me débrouiller avec les autres médecins que je connais en ville pour obtenir des prescriptions.
Au programme de la tournée, beaucoup de personnes âgées, pour la plupart diabétiques. Piqûres d’insuline, pansements, vaccins, préparation du pilulier, distribution de médicaments, François fait aussi beaucoup de signalements.
Un rôle qui va bien au delà du simple soin
Ce matin là, son patient, André, a une méchante rougeur sur le ventre. Malgré la crème qu’on lui met tous les jours, ça ne veut pas partir. François prend une photo qu’il enverra par mail au médecin pour avoir son avis. Car les visites de François vont bien au delà du simple soin : en passant, il sert le café à André, va chercher ses médicaments à Salem qui ne peut pas bouger. Il ouvre aussi le courrier pour Demba qui ne sait pas lire. C’est une vigie qui coordonne, qui surveille chaque détail chez des patients âgés, précarisés, et souvent très isolés s’il n’y a pas des enfants proches pour gérer le quotidien.
En passant, je regarde systématiquement dans le frigo, pour voir s’il n’y a pas de dénutrition. Parfois, c’est terrible, le frigo est vide
Coté rémunération, le temps investi n’est pas toujours valorisé à la hauteur. Ce matin là, pour 25 minutes de présence chez un patient, avec la glycémie, la piqûre et un pansement à refaire à la cuisse, François sera payé 9,45 euros. Le pire, c’est que François n’est pas payé pour tout les actes pratiqué s: certains n’existent pas pour la Sécu alors qu’ils sont courants, comme le retrait d’une sonde urinaire, par exemple.
Une capacité d’action limitée
À l’heure où fleurissent les déserts médicaux, François Casadei aimerait qu’on confie aux infirmiers un rôle plus important. Exemple : quand le patient n’a plus d’insuline, il pourrait avoir le pouvoir de prescrire le renouvellement à l’identique, ce n’est pas le cas. Ça permettrait pourtant de gagner du temps et ça éviterait de déranger le médecin, déjà surchargé. On « gagnerait du temps médical », plaide François qui regrette aussi qu’en France, on « centre tout » sur le médecin. Au quotidien, c’est bel et bien l’infirmier qui fait le lien et qui voit tout chez le patient, qui d’ailleurs ne s’y trompe pas : Yvette, 74 ans, qui souffre de multiples pathologies, attend François comme un sauveur, chaque matin : « C’est mon Dieu, dit elle, mon soleil ! »
Laisser un commentaire