Hydroxychloroquine : une étude française de grande ampleur coordonnée par le CHU d’Angers

Par Aurélie Haroche

Le professeur Vincent Dubée, infectiologue au CHU d’Angers et qui coordonnera l’étude Hycovid qui débute aujourd’hui a insisté à plusieurs reprises au cours de la visioconférence organisée pour présenter l’essai, sur la neutralité de son équipe. « Nous sommes dans une position de neutralité. Il n’y a pas d’a priori sur les recherches de l’équipe du professeur Raoult », a-t-il ainsi souligné. Cette position de neutralité est indispensable pour jouer un rôle sans équivoque face à la polémique actuelle autour du rôle qui doit être donné à l’hydroxychloroquine dans la prise en charge du Covid-19. On le sait, en se basant sur des données parcellaires mises en avant par les équipes du professeur Raoult, certains médecins (et non médecins !) défendent avec ardeur la nécessité d’une large utilisation de ce médicament. Cependant, d’autres, soutenus par les pouvoirs publics et les instances académiques, incitent à la prudence face à des « preuves » de faible niveau. Pour l’heure en effet, les travaux conduits par les équipes marseillaises manquent de solidité (nombre de sujets restreint et défaut de suivi de certains participants dans la première publication et absence de groupe contrôle dans la seconde notamment). Cependant, les pistes ouvertes par ces travaux, les observations conduites in vitro et en ce début de semaine la publication d’un essai chinois positif répondant à des règles scientifiques plus strictes invitent à approfondir cette hypothèse.

1 300 patients et 33 établissements

C’est l’objet d’Hycovid dont la question principale est « l’hydroxychloroquine a-t-elle un impact chez les patients Covid à haut risque d’aggravation ? ». L’étude bâtie avec une rapidité exceptionnelle est un essai en double aveugle qui doit inclure 1 300 patients, répartis dans 33 établissements (15 CHU, 17 hôpitaux non-universitaires et un établissement privé). La plupart de ces structures se situent dans l’Ouest de la France, où existe un « réseau de collaboration (…) bien établi », tandis que dans l’Est l’engorgement des établissements rend plus complexe la mise en œuvre d’un tel essai a détaillé Vincent Durbé.

Administration précoce et dans des formes non graves

Des critères d’éligibilité stricts ont été déterminés. L’infection par SARS-CoV-2 devra être mise en évidence par test PCR « ou à défaut par scanner thoracique » et le diagnostic devra avoir été établi « depuis moins de 48 heures ». Les patients devront présenter « au moins un des deux facteurs de risque d’évolution compliquée suivants » : être âgé de plus de 75 ans ou présenter une « oxygénodépendance avec saturation capillaire périphérique en oxygène ≤ 94% en air ambiant ». Les patients pour lesquels l’hyrdoxychloroquine représente un risque de toxicité élevée sont exclus et la survenue d’effets secondaires cardiaques graves conduira à la suspension de l’étude. « Une des forces de cette étude, c’est qu’elle va inclure des patients atteints d’une forme de la maladie non grave mais à risque élevé d’évolution défavorable, comme certaines personnes âgées. Nous traiterons donc les personnes précocement, ce qui est probablement un élément déterminant de la réussite de la prise en charge », observe cité par Ouest France, le professeur Durbé. De fait, de nombreux observateurs ont insisté sur la nécessité de disposer de données concernant l’action de l’hydroxychloroquine dans les formes non encore graves et administrée au début de l’infection, alors que pour l’heure les essais et les utilisations autorisées se limitent aux formes sévères.

Un stock utilisable sans délai

Les critères d’évaluation sont simples : « L’efficacité du traitement sera jugée en comparant le nombre de patients décédés ou transférés en réanimation en raison d’une aggravation respiratoire dans chacun des deux bras au cours des 14 jours suivant le début du traitement » indique le communiqué de presse du CHU d’Angers. La rapidité de déploiement de cette étude a été permise par la réactivité des autorités sanitaires mais aussi grâce à la possession par le CHU d’Angers d’un « important stock d’hydroxychloroquine et de son parfait placebo ». « Le lot de traitement administré à chaque patient comportera des comprimés pour 9 jours de traitement, sans distinction possible entre l’hydroxychloroquine et le placebo. La première dose de 400 mg sera prise au décours immédiat de l’inclusion à J0, la deuxième dose de 400 mg le soir même puis le traitement sera poursuivi pendant les 8 jours suivant à raison de 200 mg matin et soir. Des prélèvements naso-pharyngés seront réalisés pour RT-PCR SARS-CoV-2 à J5 et J10 » détaille encore le communiqué.

Des preuves statistiques fortes attendues

Les premiers résultats de l’étude devraient être disponibles dans quelques semaines, à l’instar des premières données de l’essai européen Discovery (dont il est proche, mais dont les critères d’éligibilité des patients ne sont pas exactement similaires, puisque Discovery privilégie l’inclusion de formes graves). « Dès qu’on a une preuve statistique forte, on peut arrêter les inclusions, l’analyser et la publier très vite. Et éviter d’exposer trop de patients inutilement. Mais ça ne sera pas une tendance. Ça s’arrêtera avec une réponse solide et formelle » a promis Vincent Durbée. Cet essai dont le coût atteint 850 000 euros est pour l’heure pratiquement intégralement financé par le CHU d’Angers qui espère bénéficier de soutiens publics et qui a lancé un appel à la générosité du grand public via une collecte de fonds.

 

JIM

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avril 2, 2020

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