CPTS, une réforme à la française…
De quoi s’agit-il ? D’une organisation territoriale de soins. L’objectif est d’offrir à la population d’un bassin de vie un réseau de proximité fortement intégré. Ce réseau comprend les structures de soins primaires ou soins de premier recours, structures publiques comme les centres de santé ou libérales (cabinets de médecins généralistes).
Il a aussi l’ambition d’intégrer des offres au-delà de celles qu’on assimile aux soins de premiers recours : médecins spécialistes, plateau d’imagerie et de biologie, infirmiers, kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes, PMI, entrent dans la composition des CPTS. De même les services de la santé mentale de proximité ainsi que les services de prises en charge à domicile (soins infirmiers à domicile). Enfin les CPTS sont censées organiser le décloisonnement entre les secteurs sanitaire, médico-social et social.
Voilà, brièvement résumé, ce qui ressort du rapport du Haute Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Malade (HCAAM) du 24 mai 2018. Le HCAAM est l’instance gouvernementale chargée de proposer les réformes au Ministre de la Santé. Le HCAAM propose un maillage progressif du territoire par environ 1000 CPTS dimensionnées pour couvrir une population de 30 à 100 000 habitants selon la densité.
En un mot, il s’agit de mettre en réseau l’ensemble de la médecine ambulatoire. Sont exclus des CPTS les établissements de santé c’est-à-dire les hôpitaux et les cliniques. Un nouveau type d’hôpital est créé tout spécialement pour s’intégrer aux CPTS : l’établissement de santé communautaire. Le rapport de l’HCAAM prévoit la création de quelques 550 à 600 établissements de santé communautaire. Ces établissements assurent des soins de premier recours au service des médecins de ville. Ils seront principalement axés sur la médecine polyvalente et la gériatrie (courts séjours). Ils ont aussi vocation à développer diverses activités en fonction des spécificités territoriales : activités de prévention (addictologie, obésité, …), consultations spécialistes avancées.
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que notre système de soins souffre d’un manque de coordination et qu’il est temps d’en finir avec notre médecine ambulatoire atomisée autour d’exercices isolés. Aujourd’hui le patient ne sait plus à quelle porte s’adresser, il erre de médecin en médecin et les différents intervenants communiquent très peu entre eux. Il faut se rendre à l’évidence, l’avenir est au réseau de soins.
Ce principe d’une organisation territoriale des soins dirigée des équipes de soins primaires, on le trouve chez nos voisins britanniques. En Grande-Bretagne, la troisième réforme du NHS (National Health Service) sous le gouvernement Cameron, avait en effet réalisé une profonde réforme structurelle du système de santé anglais. Elle avait notamment créé les Clinical commissioning groups (CCG). Ces CCG, au nombre de 211, gèrent un bassin de population.
Examinons maintenant ce passage du rapport de le HCAAM :
« Les CPTS ont la responsabilité de la concertation et de la coordination entre professionnels et de l’organisation qui doit garantir la délivrance effective et la qualité des services promis. (…) Cette organisation permet de produire un consensus organisationnel. »
On voit dans ce texte que c’est la structure CPTS qui a la responsabilité de la concertation et de la coordination entre professionnels, et que c’est cette structure qui va produire un consensus organisationnel. On ne peut imputer une responsabilité à une structure, ce sont les individus qui animent la structure qui sont responsables et qui mettent en mouvement sa dynamique à condition de définir leur rôle et leur pouvoir. Comme toujours, le rapport de le HCAAM occulte la question du pouvoir, de l’autorité.
Dans le système anglais, les responsabilités sont clairement définies. C’est aux généralistes qu’on confie le pilotage du système. Les CCG sont constitués par un regroupement de cabinets de médecins généralistes et couvrent un bassin de population d’une moyenne de 226 000 personnes. Chaque CCG est dirigé par une équipe (Governing Body) composée d’un minimum de quatorze membres, dont sept généralistes (Clinical Directors), qui élisent parmi eux le directeur. Une infirmière, un médecin spécialiste et un certain nombre d’administratifs, comptable, financier, complètent l’équipe. Les CCG sont chargés de gérer les commandes (commissioning) en matière de soins secondaires et de les adapter aux besoins des populations locales. L’idée était que les généralistes étaient les mieux placés pour évaluer les besoins médicaux de la population et les organiser.
Nous considérons souvent avec une certaine condescendance le système anglais. Il est certes moins prodigue que le nôtre en actes médicaux. Pourtant les anglais dépensent 2 points de PIB de moins que nous pour leur santé et obtiennent de meilleurs résultats en termes de santé publique. Il n’est pas question de vouloir transposer chez nous le système anglais. Dès l’origine, les anglais ont opté pour une médecine d’état. Nos médecins sont généralement profondément allergiques à une étatisation de l’ensemble de notre système de santé.
Ce que je voulais montrer ici c’est que nos capacités de réformes sont bridées par le divorce originel de notre système de santé. Système où s’affrontent d’une part un certain dirigisme administratif coupé des réalités du terrain et une médecine de ville qui revendique des valeurs libérales. Ainsi les effets respectifs de l’un et de l’autre s’annulent, se neutralisent. L’administration n’a pas vraiment le pouvoir d’imposer les réformes et doit se contenter de produire des discours performatifs. Les valeurs libérales de notre médecine sont contraintes et ne peuvent s’exprimer pleinement. Dans le système anglais, le médecin réalise la synthèse de l’administrateur et du clinicien, dans notre système, le clinicien et l’administrateur s’opposent régulièrement. C’est la raison pour laquelle chacune de nos réformes accouchent de demi-mesures et qu’au bout du compte nous reconduisons à chaque fois un système périmé.
Souhaitons pourtant que par une sorte d’alchimie providentielle les CPTS tiennent leurs promesses.
Faute de quoi, ce sont les complémentaires santé, assurances ou mutuelles, qui prendront en main l’organisation des soins ambulatoires. Certaines mutuelles manifestent déjà cette ambition. Ainsi le groupe vyv qui se présente déjà comme « le premier acteur de l’assurance santé et le premier opérateur national de services de soins et d’accompagnement. »
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